De la déontologie à l’éthique et à la bioéthique : la bientraitance

 

 « Au moment d’être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité. »

Cette phrase est la première de l’actuelle version du serment d’Hippocrate.

Quarante ans après l’avoir prononcée je peux me permettre de faire le point et de m’interroger :

Ai-je vraiment respecté mon serment ?

Ai-je été maltraitant envers des patients fragiles ou vulnérables ?

Ai-je toujours été dans la bientraitance ?

Si aux deux premières questions je me sens en état de répondre, la dernière nécessite interrogation et explication.

 

Il y a cinquante ans, lorsque j’ai débuté mon premier stage dans un service de médecine d’un hôpital parisien, la bientraitance ne nous était pas enseignée, et pourtant nous étions fiers de porter une blouse dont la blancheur s’opposait à sombre « misère » de l’hôpital public, car nous voulions nous montrer dignes de la confiance de nos maîtres.

Les avancées scientifiques dans les domaines de la biologie et de la médecine ont élargi la déontologie médicale élaborée par des médecins pour des médecins. Biologistes, généticiens, philosophes, juristes, sociologues apportent leur contribution pour élaborer une nouvelle éthique des sciences de la vie : « la bioéthique ».

La question philosophique du respect de « la personne », les revendications tenant aux droits de la personne vulnérable aboutissent à inscrire dans la loi des règles auxquelles le médecin ne peut se soustraire.

Il faut attendre la loi de 2002 rénovant l’action sociale ou médico-sociale, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance pour donner un cadre règlementaire à ce concept.

 

Même si 80% des actes maltraitants sont commis au domicile, c’est l’hôpital et l’EHPAD qui vont mener une réflexion sur les préconisations pour une culture de la bientraitance. Logique ! car le bénéficiaire de cette culture est le patient, dénommé « usager » présent ou représenté au sein de la commission des usagers (CDU) à l’hôpital ou du conseil de la vie sociale (CVS) en EHPAD.

L’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) va définir la bientraitance comme une culture inspirant les actions individuelles et les relations collectives au sein d’un établissement ou d’un service.

 

Définir la bientraitance

 

La bientraitance ne se réduit pas à l’absence de maltraitance ni à la prévention de la maltraitance ; elle est une reconnaissance de la « personne ». Le médecin de ville prend l’avantage sur l’institution pour individualiser la prestation qu’il offre à son patient, par contre, si le médecin de ville travaille dans un splendide isolement, il lui manque une approche pluridisciplinaire indispensable pour une prise en charge de patients fragiles, handicapés, âgés ou en fin de vie.

La bientraitance relève d’une culture partagée du respect de la personne et de son histoire, de sa dignité et de sa singularité.

Pour le professionnel, « il s’agit d’une manière d’être, de dire et d’agir, soucieuse de l’autre, réactive à ses besoins et à ses demandes, respectueuse de ses choix et de ses refus ».

La démarche de bientraitance est un aller-retour permanent entre penser et agir, nécessitant une réflexion et un questionnement de chaque instant.

La recherche de bientraitance est une démarche continue d’adaptation à une situation donnée. Elle est sans fin, impliquant d’apporter la meilleure réponse possible à un besoin identifié à un moment donné.

Le médecin de ville ne doit pas se dévaloriser au regard de son patient, mais doit reconnaître parfois son incompétence, son impuissance, au risque de devoir assumer un cuisant échec.                              La dépersonnalisation du patient, la perte de l’accomplissement personnel du médecin associé à l’épuisement professionnel constituent le burn-out du soignant, dont les conséquences sont souvent dramatiques.

Le médecin traitant a la responsabilité de proposer à son patient vulnérable un parcours de soins et un parcours de vie adaptés

L’écoute du patient est primordiale ; elle doit être valorisée et lorsque la communication verbale n’est plus adaptée, d’autres modes de communication seront utilisés.

Le médecin traitant doit conseiller son patient sur le choix de son lieu de vie. L’adaptation du logement, la mise en place de services à la personne, de soins infirmiers et de kinésithérapie, l’accueil en foyer-logement ou l’accueil de jour en EHPAD constituent des étapes essentielles pour maintenir l’autonomie.

Respecter les droits de la personne vulnérable passe parfois par une mesure de protection juridique. Permettre sa prise en charge au titre d’une affection de longue durée (ALD). A l’inverse, retirer le droit de vote à une personne sous le prétexte de son âge, l’infantiliser, lui imposer des contentions qui entravent sa liberté sont désormais des actes inacceptables.

Le médecin de ville doit savoir dire non à des prescriptions injustifiées car inutiles, dangereuses. Il doit les adapter à l’état de son patient et les limiter aux seules prescriptions « utiles ».

Il doit respecter les préconisations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ou de l’Académie nationale de Médecine, tout en restant libre de ses prescriptions et en gardant toujours un œil critique.

Le médecin de ville doit, tant que faire se peut, accompagner son patient arrivé en fin de vie. Il recueillera ses directives anticipées ou cherchera à les faire valider par les aidants familiaux si le patient n’en a plus capacité à les énoncer. Le médecin s’assurera de la désignation d’une personne de confiance. Mourir au domicile peut être très simple ou très compliqué. Réseaux et services d’hospitalisation à domicile (HAD) permettent une prise en charge adaptée si la famille est présente et le médecin expérimenté.

 

Dr Dominique BLONDEL

Conseiller ordinal

Médecin généraliste retraité, Coordonnateur en EHPAD,

Membre de la CDU de l’établissement public spécialisé de Ville Evrard

 

 

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