Colloque du 16 Février 2019

Discours d’ouverture du Dr GOMBEAUD

 

 

Bonjour à tous,

Merci de votre présence nombreuse qui démontre

D’une part  l’importance et le caractère très actuel  (dans l’actualité) de nos débats concernant les thèmes choisis

D’autre part l’implication  du CTS* dans ces domaines si importants pour la Seine Saint Denis

 

Merci également à Mme Di Natale directrice du GHI** ….qui a spontanément proposé que ce colloque se tienne dans ces murs et qui a dirigé l’organisation pratique de cette demi-journée…

 

La relation ville hôpital thème de cette journée…

quel vaste sujet dont une des  clefs  est la réussite du virage ambulatoire que tout le monde attend mais qui va nécessiter un effort considérable des deux cotés des murs de l’hôpital

Le CTS a déjà donné un avis il y a quelques mois sur ces sujets pendant la préparation du PRS II et il apparaît que l’actualité récente donne à cet avis un caractère prémonitoire.

 

Que disions-nous ??

Qu’avions nous conclut ???

 

1/ Que le Virage ambulatoire  impliquait la réussite des plans de modernisation de l’hôpital public comme privé (ce dernier a déjà bien avancé sur ce sujet) et surtout qu’il doit  s’associer  à une transformation sans précédent de l’ensemble du système de santé

2/ Que la mise en place de ce principe nécessite en effet  des ajustements à tous les niveaux des paliers de soins. Cela sera particulièrement nécessaire dans notre département où des obstacles culturels et sociaux vont non seulement rendre complexe la généralisation de ce virage ambulatoire mais aussi présenter des risques non négligeables sur la situation sanitaire de l’ensemble de la population.

 

Nous nous sommes appuyés sur l’expérience déjà longue de nos confrères Canadiens concernant cette évolution qui ont bien mis en évidence les conséquences de cette « révolution » sur

  • les usagers,
  • les soignants
  • et les aidants.

Cela nous permet de penser que :

 

Dans le cas où un transfert des charges médicales, para médicales et sociales de la structure hospitalière vers les structures de ville ne pouvait pas être organisé préalablement à l’hospitalisation, il apparaît évident qu’il imposera de nouvelles contraintes en soins bénévoles qui seront alors assurés par les familles et particulièrement les femmes (filles, belles filles etc…).

Cela va alors entraîner, d’une part, un transfert technique et plus accessoirement financier, d’autre part, un transfert des responsabilités non négligeable (par exemple, en pré hospitalisation les soins d’hygiène spécifiques : lavage, rasage, shampoing, etc… et, en post hospitalisation, assurer le suivi à domicile, l’alimentation, l’hydratation, et l’hygiène intime qui sont indispensables.

 

Ce transfert aura pour tous comme conséquence une modification profonde des relations interfamiliales ainsi que des interactions travail/responsabilités familiales. Et cela d’autant plus que des patients de plus en plus lourds sont impliqués dans cette démarche

 

Il apparaît clairement que la pression pour plus de rentabilité et d’efficacité qui s’exerce actuellement sur les établissements et donc l’obligation de disposer au plus vite de la rotation de lits d’hospitalisation, risque de diminuer les critères actuels de sécurité préalables à toute sortie des patients, tels que la possibilité  pour ces derniers d’un lever autonome et la  réalisation de  quelques pas dans la chambre.

 

  • Concernant les aidants

La généralisation de ce programme va donc entraîner  des  modifications sur la structure organisationnelle des familles désormais en partie  responsables des soins pré et post opératoires

Un malade à la maison va amener à une augmentation des taches liées aux besoins essentiels de la vie quotidienne et de la charge de travail ménager usuel.

Cela peut entraîner une réduction de l’activité professionnelle avec les conséquences inhérentes sur la carrière de ces aidant(e)s.

Bien entendu, la solution réside en partie dans le passage régulier de soignants assurant l’essentiel des soins techniques et la surveillance des paramètres vitaux (par exemple le passage quotidien d’une sage-femme et d’une puéricultrice après un accouchement, l’intervention de l’HAD, d’un SSIAD ou d’une infirmière libérale ou d’un kiné, selon le niveau et la quantité de soins techniques requis à domicile).

C’est là que le bât blesse…

Dans le contexte spécifique de la Seine Saint Denis, une telle organisation des soins de ville apparaît non seulement hypothétique mais parfois comme totalement irréaliste dans certaines communes et quartiers.

 

  • Concernant les soignants à l’intérieur de la structure hospitalière

La fatigue accrue du personnel médical et para médical est patente et s’aggrave avec la rotation de plus en plus rapide des patients. L’accentuation de cette rotation va encore augmenter la pression sur ces personnels. Faut il citer la situation des hôpitaux psychiatrique et  les drames récents, gréves de la faim, burn out ou pire encore ….

 

  • Pour ce qui concerne les soignants exerçant à l’extérieur de la structure d’hospitalisation,

Il apparaît clairement que la désertification croissante et semble-t-il pour l’instant non contrôlée dans le Département, impliquant médecins comme para médicaux, voire personnels sociaux va être lourde de conséquence sur les risques de non prise en charge des soins de suivi à domicile dans cette évolution qu’on nous présente comme inéluctable.

 

Il apparaît comme probable que la hausse du travail qui sera demandée à la ville se fera aux dépends des activités moins prioritaires telles que l’accompagnement relationnel, l’écoute, la prévention et plus généralement l’ensemble des activités concernant les autres patients.

 

Ces contradictions ne pourront être surmontées que si un travail de fond réunissant tous les professionnels quelques soient leur mode et leur lieu d’exercice, soit mis en place afin de définir les préalables indispensables quant à la qualité et la sécurité des sorties de l’hôpital, qui ne soient pas uniquement constitués des seules priorités de gestion de ce dernier.

 

La mise en place en cours, d’une PTA*** (sur une zone pour l’instant réduite du 93)  apparaît comme une réponse envisageable à plus ou moins long terme, mais elle semble encore trop balbutiante pour pallier aux difficultés prévisibles immédiates de l’extension du virage ambulatoire. Cela d’autant plus que son mode organisationnel est à ce jour encore non clarifié pour beaucoup.

L’utilisation de logiciels pouvant communiquer, interopérables, et simples à utiliser est en cours ;

Nous verrons si le consensus sur ce problème peut se faire sur une coordination unique issue de la ville peut se mettre en place dans les mois qui viennent…

 

 

  • Quant au problème de l’importance de l’hôpital dans la chaîne des soins

qui semble-t-il est présenté comme devenant moins central dans le processus de virage ambulatoire (plus de ville et moins d’hospitalo-centrisme). Il ne nous paraît pas certain que ce virage diminue son rôle.

Il se contentera de le modifier…

En fait, dans ce cadre, le domicile devient une mini-extension de l’hôpital, l’exemple en est l’HAD… cette mini extension concerne le « cure », l’hôpital laissant aux aléas et aux capacités inégales de chacun la responsabilité du « care ». (qu’on peut traduire par soins mutuel, prendre soin, donner de l’attention manifester de la sollicitude…..) Cette séparation (cure and care) est totalement artificielle et nous apparaît comme préjudiciable non seulement à la relation ville-hôpital mais aussi plus simplement à un fonctionnement complémentaire des deux activités.

 

Ce processus dont la motivation principale est essentiellement financière, nous semble porteur de difficultés importantes et cela particulièrement dans notre Département qui présente un taux élevé de la population ne disposant pas des moyens financiers, culturels et sociaux d’en assumer la charge

La désertification médicale majeure qui pèse sur l’activité des professionnels de ville dans le 93 va rendre plus complexe  la compensation que va représenter le  «transfert de charges » que suppose un virage ambulatoire dont la mise en place s’accélère

Le processus risque de surcroît, de modifier durablement les équilibres familiaux pour les familles concernées, et d’accentuer encore une fois l’inégalité homme/femme au travail par une « assignation » des femmes à l’accompagnement à domicile d’un proche malade. Ces risques potentiels n’ont d’ailleurs, à ma connaissance, jamais été étudiés en France.

 

Ces thèmes sont l’objet de notre première table ronde  j‘espère que ce débat nous permettra de mieux comprendre comment les acteurs à  l’intérieur comme à l’extérieur de l’hôpital envisagent cette véritable Révolution….

 

Le but en est clairement de participer au débat pour ouvrir des perspectives …

Mais, bien sur un débat entre acteurs ne suffira pas … Depuis 20 ans l’irruption des associations de patients  (on dit maintenant d’usagers) a transformé nos habitudes, nos routines et nos méthodes de travail, cela est non seulement positif mais la condition même de la réussite  particulièrement en Seine Saint Denis.

Les inégalités d’accés aux soins ne sont pas que des problèmes financiers (90% des actes au tarif conventionnel), il s’agit aujourd’hui de problèmes culturels, sociaux tout autant qu’économiques !

 

-Comment la transformation du système de santé va-t-elle modifier le fait que par exemple les cancers dans notre Département sont non seulement plus fréquents, mais aussi plus graves et plus mortels qu’ailleurs

-Comment réduire les inégalités sociales et territoriales de santé.

-Comment agir sur les déterminants de santé.

Voilà l’enjeu majeur des transformations en cours !!!

 

 

Notre deuxième table ronde va débattre des partenariats publics/ privés

Il s’agit peut-être là de l’une des nombreuses réponses à la question des inégalités de santé

Cela ne pourra pas être une simple répartition des tâches par ex tel cancer traité à tel endroit et tel autre ailleurs

Cette orientation est un peu ce que l’on croit percevoir par exemple avec la gestion des autorisations, les couplages d’activité d’une structure à une autre etc….

Cela ne pourra pas fonctionner de cette façon c’est beaucoup plus compliqué,

Ce qui est sûr, cependant, c’est qu’on ne pourra plus fonctionner comme maintenant.

Nous sommes tous d’accord pour décloisonner, transformer les statuts des professionnels faire participer de façon beaucoup plus importante le privé à la formation des médecins et faire à nouveau entrer les professionnels de ville dans l’hôpital ;

Nous sommes bien sûr d’accord avec ce que l’on nous présente comme un objectif prioritaire : en résumé casser les murs extérieurs de l’hôpital public

Personnellement en tant que médecin libéral exerçant en cabinet et en clinique, mais aussi salarié hospitalier et salarié d’un CMS, j’attendrai de voir…comment vont être organisés les exercices mixtes qui semble faire partie du plan 2022

(mais je regrette accessoirement p ex me retrouver être un des derniers attachés clinicien d’un grand hôpital universitaire alors que je sais que mon poste ne sera pas renouvelé après mon départ…)

J’attends donc avec curiosité la façon dont les tutelles vont résoudre ces difficultés

 

Ce partenariat public /privé constitue donc un chantier considérable.

Collaborations entre professionnels Collaboration entre institutions, collaborations de professionnels à l’intérieur des instituts.

Il faudra respecter les différents modes d’exercice, peut être en réinventer de nouveaux, se garder d’engager des  uniformisations qui ne peuvent aboutir qu’à des désillusions et des renoncements pour ce qui concerne les professionnels les plus âgés alors que ce sont eux qui assurent actuellement une part essentielle des activités de soins  ceux dont le départ doit être retardé au maximum ce qui va nécessiter des concessions indispensables

 

En Seine Saint Denis il existe déjà des réalisations de partenariat public privé, à Avicenne, à Montreuil par ex mais il faut éviter que cela soit cantonné à telle ou telle spécialité médicale.

Il faut élargir ce processus à tous les établissements qui le désirent, à toutes les spécialités y compris la médecine générale, faire mieux participer les associations d’usagers, tout en laissant et c’est fondamental, la liberté aux professionnels de s’inscrire ou non dans ces processus c’est là l’enjeu de cette deuxième table ronde !

 

J’en arrive à la conclusion

 

Vous l’avez compris, l’objectif de cette journée n’est pas de se limiter à des  protestations, à des revendications,  même s’il y a toutes les raisons pour le faire, mais  d’ouvrir le débat au niveau Départemental, en respectant tous les acteurs et les usagers

Nous sommes à la veille d’une transformation profonde de notre système………….

L’accouchement sera difficile et nous verrons si nous avons les bons obstétriciens !

 

 

Je vous remercie

 

J’appelle donc à la tribune Madame Celine Boreux qui va modérer la première table ronde et les participants de cette table ronde

 

 

 

 

*      CTS : Conseil Territorial de Santé

**    GHI : Groupement Hospitalier Intercommunale

***  PTA : Plateforme Territoriale d’Appui

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